• Historique du camp 1940-1946

    Petite présentation du camp.

     

     

    Historique du camp de concentration de Montreuil-Bellay

    (Maine-et-Loire)

    A l'origine, ce ne devait pas être un camp de concentration, mais une poudrerie que le ministère de l'Armement décida de construire dès la déclaration du conflit armé, en septembre 1939, au sud de la Loire, loin, comme on devait alors le penser, du front traditionnel.

    Les travaux commencèrent en janvier 1940, et furent embrigadés des Républicains espagnols qui s'étaient réfugiés dans notre pays suite à la victoire de Franco, et qui avaient préféré ces "travaux forcés" au refoulement vers l'Espagne et à la mort certaine. Le chantier était à peine terminé quand les Allemands entrèrent dans Montreuil-Bellay le 21 juin 1940. Les Espagnols et les autres ouvriers avaient fui vers le Sud deux jours plus tôt.

    L'Occupant entoura aussitôt d'une clôture de barbelés l'un des deux lotissements destinés à l'origine  à loger le personnel de la future poudrerie, Ainsi fut créé ce qui allait devenir le camp de concentration (stalag, en allemand) de Montreuil-Bellay.

    Historique du camp 1940-1946

    Plan de la poudrerie projetée par le ministère de l'Armement.

    (Archives de la Manufacture des Armes de Châtellerault)

    Jusqu’en mars 1941, le site devint donc un stalag dans lequel l'Occupant interna les militaires en fuite interceptés sur les routes, ainsi que des civils d’une quinzaine de nationalités différentes, principalement les ressortissants du Commonwealth qui vivaient dans l’Ouest de la France. Hitler s’enlisait alors dans l’incertaine Bataille d’Angleterre. Ce fut la seule période au cours de laquelle le camp fut administré par l’ennemi.

    Après la libération de la plupart des civils, les soldats français furent transférés fin février et début mars 1941 en Allemagne comme prisonniers de guerre. Les célibataires britanniques furent envoyés dans un camp à Saint-Denis, près de Paris, où ils restèrent jusqu’en août 1944, pendant que les couples étaient tenus de résider dans des hôtels de Vittel.

    Le camp de concentration de Tsiganes de Montreuil-Bellay, dans le sens premier du terme « concentration » qui était celui employé pendant la Seconde Guerre mondiale (Voir "Montreuil-Bellay, camp de concentration ?"), ouvrit ses portes 8 novembre 1941 aux premiers nomades transférés du camp de la Morellerie, commune d'Avrillé-les-Ponceaux, en Indre-et-Loire.

    Le camp de Montreuil-Bellay était destiné à rassemblertous « individus sans domicile fixe, nomades et forains », « ayant le type romani », pour reprendre les écrits du préfet du Finistère : Manouches, Gitans, Roms, Sintés  ou Yéniches, français et étrangers. Ces Tsiganes, par familles entières, venaient d’une multitude de petits camps ouverts suite au décret de loi du 6 avril 1940 signé par Albert Lebrun, dernier président de la 3e République, décret qui stipulait que ces nomades devaient être rassemblés dans des lieux déterminés sous surveillance de la police. Vichy, avec la bénédiction de l'Occupant, se contentaient d'appliquer le décret qu'il rappelait à chaque internement.

    Ce 8 novembre 1941, ils étaient 250, précédemment parqués donc dans le camp de la Morellerie . Le 2 décembre, en arrivaient 213 nouveaux, raflés dans les trois départements de la Bretagne de l’Ouest. Pour ne citer que les entrées les plus importantes : 756 du camp de Mulsanne (Sarthe) le 3 août 1942, dont quelque 80 clochards raflés à Nantes au cours du printemps ; 56 du camp de Rennes, le 5 août 1942 ; 304 du camp de Poitiers (Vienne), le 27 décembre 1943. L’effectif maximum fut atteint en août 1942 avec 1096 internés.

    Historique du camp 1940-1946

                                   Carnet anthropométrique d'Henri Martin, qui fut interné à Montreuil-Bellay. (Archives privées)

    Le camp comportait deux parties distinctes : des baraques  en  planches sur pilotis  pour le logementdes internés ; des bâtiments en maçonnerie pour les cuisines, le réfectoire, les écoles, la chapelle, etc. Il y faisait très chaud l’été et très froid l’hiver, l’ensemble étant construit sur une plaine exposée dénuée de toute végétation. Seules les écoles et la chapelle étaient régulièrement chauffées. La prison était souterraine, cave d’une ferme qui avait brûlé au début du siècle.

    Les internés n’exerçaient aucune activité en dehors de corvées pour quelques femmes qui aidaient aux cuisines, pour ds hommes qu'on envoyait couper du bois ou qui nettoyaient le camp.

    Jusqu’en janvier 1943, les nomades furent gardés exclusivement par des gendarmes français ; ensuite par des gendarmes et des jeunes gens de la région qui échappaient ainsi au départ pour l'Allemagne qu'imposait la « Relève forcée » du 4 septembre 1942, puis le STO (Service du Travail Obligatoire) du 15 février 1943.

    Historique du camp 1940-1946

    Le camp de Montreuil-Bellay en 1944 photographié du haut d'un mirador

    par la fille du directeur (Archives J. Sigot et J.-C. Leblé)

    En juin et juillet 1944, le camp fut sévèrement bombardé par les alliés qui avaient sans doute appris qu’un atelier de confection de filets de camouflage pour l’ennemi avait un temps fonctionné dans des baraquements.
    De nombreux internés furent victimes des difficiles conditions de vie à l’intérieur du camp qu’aggravaient une nourriture toujours insuffisante et de peu de valeur énergétique ,ainsi qu’une hygiène déplorable ; principalement les personnes âgées et, en 1944 les nouveaux-nés que ne pouvaient nourrir normalement des mères elles-mêmes sous-alimentées.

    Ce furent les clochards raflés dans les rues de Nantes qui payèrent le plus tribu à la camarde. Ils avaient transité par les camps de Moisdon-la-Rivière et de Châteaubriant (Loire-Atlantique, ex-Inférieure), de Coudrecieux et de Mulsanne (Sarthe) avant d'arriver à Montreuil-Bellay le 3 août 1942. Souvent âgés, célibataires, en mauvaise santé, ils moururent quasiment tous pendant l'hiver 1942/1943.

    En septembre, Jean Renard, sous-directeur du camp, fut arrêté par les Allemands. Il était aussi chef de la section montreuillaise du réseau de Résistance Buckmaster, et c'est le camion du camp qui avait servi à récupérer des armes parachutées par les Anglais mi-juillet. Furent arrêtés trois autres membres du personnel du camp, dont le directeur qui n'était pas Résistant,  en même temps qu'une douzaine de Montreuillais. Tous quatre furent déportés en Allemagne.  Il y eut que deux survivants, le magasinier du camp et un Montreuillais.

    Les bombardements alliés de l'été 1944 noircirent encore le tableau. L'enceinte de barbelés ayant été sérieusement endommagée, on transféra les nomades dans un second lotissement de l'ancienne poudrerie, à 3 km, en bordure du département de la Vienne. Comme il n'y avait pas de clôture, pour que personne ne se sauve, on enfermait chaque soir un enfant de chaque famille dans la prison en béton construite au temps des Républicains espagnols.

    Première quinzaine de septembre, furent parqués derrière les barbelés désertés 30 Italiens et 145 soldats vaincus du Reich, dont 107 Géorgiens, Russes « blancs », fidèles à l’ancien régime impérial, qui avaient espéré que Hitler vainqueur leur redonnerait leur ancienne Rusie.

    Puis ce fut le tour des collaborateurs locaux qu'un tribunal populaire condamna à mort, sauvés de justesse par l'inrtervention d'un instituteur du bourg. Ils furent aussitôt transférés dans le camp de Châteaubriant pour échapper au triste sort que leur réservaient des compatriotes avides de vengeance et de défoulement.

    Le 1er octobre, parce que c'était la rentrée des classes, les Tsiganes réintégrèrent les baraquements du camp principal. Si, pour les Angevins, la Libération était intervenue fin août 1944, il n’en fut donc pas de même pour eux qui ne quittèrent Montreuil que le 16 janvier 1945… expédiés pour la plupart dans d’autres camps sans autre forme de procès : à Jargeau (Loiret) et à Angoulême (Charente) où certains restèrent jusqu’en juin... 1946 !

    Quelque 3 à 4.000 Tsiganes ont ainsi séjourné ou transité par le camp de Montreuil-Bellay considéré comme ayant été le plus important de France pour cette population nomade.

    Pourquoi leur transfert en janvier 1945 ? C'est que l’on avait besoin du site pour de nouvelles victimes de cette guerre qui n’en finissait pas et, le 20 janvier, arrivèrent 796 civils allemands, dont 620 femmes et 71 enfants, arrêtés dans l’Alsace reconquise par l’armée du général Leclerc, internés d’abord dans l’ancien camp nazi du Struthof qui avait repris du service. Beaucoup périrent au cours des mois de l’hiver, suite au voyage en wagons à bestiaux pendant trois jours de l’Alsace à l’Anjou, et vu les conditions matérielles lamentables de leur hébergement dans des baraquements en partie ruinés. Beaucoup d’entre eux étaient très âgés. Les rejoignirent en mai des soldats vaincus de la Poche de Saint-Nazaire, puis en août, des Hollandaises qui avaient épousé des nazis.

    Historique du camp 1940-1946 Cliquer pour agrandir.

                                          Jeune femme allemande décédée dans le camp.

    En novembre, à l'approche d'un nouvel hiver que l'on craignait meurtrier pour une population très affaiblie, on précipita le transfert des survivants dans le camp moins dur de Pithiviers (Loiret).

    Au printemps 1946, un escadron d’un régiment de Chasseurs d’Afrique de l’armée française les remplaça pendant quelques mois. Mais les barbelés électrifiés et les miradors avaient disparu et il y avait  souvent bal le soir dans des salles montreuillaises.

    Enfin, le 22 octobre 1946, toutes les installations, sauf la prison,  c ave enterrée d'une ancienne ferme qui avait brûlé en 1908, et un bâtiment en dur, furent vendues aux enchères par les Domaines et démontées. Restèrent sur place les ruines insolites des marches et des fondations en maçonnerie, les colonnes du poste de garde devant l’ancienne entrée principale du camp, et le bâtiment où avait logé le personnel, en dehors de l'enceinte du camp proprement dit.

     

    Historique du camp 1940-1946

     

    Cédric Vigneault, qui a vécu son enfance et son adolecence à Montreuil-Bellay, a récemment photographié les ruines du camp. Vous pouvez consulter ses clichés qui feront bientôt l'objet d'une exposition sur le site suivant :

    http://picasaweb.google.com/cedricvigneault/CampDeConcentrationTsiganeAMontreuilBellayRealiteDUneAmnesieCollective#